jeudi 27 juin 2013

La déprime écologique

Je n'ai rédigé aucun billet depuis près d'un mois. Je pourrais donner toutes sortes d'excuses, mais la réalité, c'est que j'étais déprimée. Je me suis auto-diagnostiquée, et voici le verdict: je souffre de déprime écologique. Les symptômes sont: fatigue, découragement dès qu'on ouvre un journal ou site Web qui parle d'environnement, pessismisme, angoisses,  inquiétudes pour l'avenir de la planète, mais surtout de ses enfants et de ses petits-enfants, apathie, inaction.

Pendant des semaines, je ne me suis pas reconnue. Je me définis comme une réaliste optimiste, et pourtant je ne faisais que broyer du noir. Mon chum me disait: "Ça suffit! Arrête de lire sur l'environnement, prend une pause!" Mais une fois qu'on a ouvert les yeux, difficile de les refermer. Je n'arrivais pas à décrocher, à profiter du temps qui passe. Je portais un poids sur mes épaules, tout en ayant l'impression que je ne pourrais jamais m'en défaire. Au contraire, j'avais l'impression qu'il continuerait à être de plus en plus lourd, au fil des ans et des mauvaises nouvelles écologiques. J'étais obsédée par une image: celle de ma fille, devenue femme, décidant de ne pas avoir d'enfants parce qu'elle n'a plus espoir en l'avenir. Ma fille parle à tous les jours de bébés, du jour ou elle aura un bébé, de la personne avec qui elle aura des bébés, des toutous de ses futurs bébés, etc. C'est une fixation. Et vous devriez voir le petit sourire mi-gêné, mi-épanoui qui se dessine sur son petit visage quand elle en parle. C'est magnifique. Et pourtant j'ai peur, tellement peur de ne pas pouvoir lui offrir l'avenir dont elle rêve.


Quand j'ai compris ce qui se passait, je me suis dit que je n'étais sûrement pas la seule à me sentir comme ça, mais autour de moi, personne ne semblait vivre la même chose. C'est alors que mon chum m'a ramené un livre de la bibliothèque: Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, de Rob Hopkins, publié chez Écosociété en 2010. Je m'y suis plongée et ça m'a fait un bien fou.

Ce livre parle d'un mouvement collectif pensé par Rob Hopkins, celui des villes en transition (ou villes résilientes). En raison du pic pétrolier, des changements climatiques et des crises économiques, nous devrons inévitablement faire face à des défis majeurs et à une modification drastique de nos habitudes de vie. Hopkins a constaté que les villes qui ont le plus de facilité à se remettre d'une catastrophe, par exemple une catastrophe écologique, sont celles dont les communautés sont fortes et  tissées serrées mais surtout indépendantes sur le plan alimentaire et énergétique. Le mouvement des villes en transition est né de ce constat, et vise à rendre nos villes plus autonomes et indépendantes, donc plus résilientes. Hopkins favorise la décroissance et l'augmentation d'actions locales, initiées par la communauté. Son livre regorge d'idées pratiques, d'ateliers à expérimenter en groupe et de solutions concrètes pour faire de notre ville une ville résiliente.

Quelques idées en vrac:
-Jardiner dans tous les espaces possibles, et de façon productive... planter un arbre fruitier plutôt qu'un arbre décoratif, par exemple;
-Jardinage écologique, biologique, même en avant des maisons;
-Création de toits verts;
-Rénovations avec des matériaux recyclés ou locaux, plutôt que des dérivés du pétrole;
-Production agricole locale;
-Favoriser les commerces de quartier plutôt que les chaînes;
-Augmenter les initiatives de transport alternatif comme les transports en commun; rendre la ville agréable et sécuritaire pour les piétons et les cyclistes;
-Simplicité volontaire;
-Augmenter les liens entre les individus d'une communauté, miser sur les forces de chacun pour un développement collectif;
-Créer un plan de décroissance et de réduction de la dépendance au pétrole;
-Redécouvrir les savoirs anciens et les faire partager à la communauté.


Cela me rejoint énormément et vient reprendre, dans une approche globale et réfléchie, bien des éléments que je tente d'intégrer à mon quotidien, même si ce n'est pas toujours facile. Rob Hopkins prend aussi le temps de décrire le processus que traversent les individus lorsqu'ils sont confrontés au changement, qu'il provienne de la crise du pic pétrolier ou de la crise environnementale.  L'un des chapitres s'intitule d'ailleurs "Comment le pic pétrolier et le chaos climatique nous affectent-ils? Le syndrome de stress postpétrolier".

Hopkins est persuadé qu'il est essentiel de garder une vision positive, même si cela n'est pas toujours facile. Il préfère encourager les gens à se mettre en action en leur proposant une vision inspirante de l'avenir, plutôt qu'en brandissant des images apocalyptiques. Il met l'accent sur le plaisir, sur la joie d'être ensemble et de collaborer: il conseille d'ailleurs de créer des moments de partage pendant les réunions, que ce soit en favorisant l'écoute ou la rencontre, mais aussi en partageant une bonne bouffe ou en faisant la fête lorsque les discussions sérieuses sont terminées!

 Je crois que je dois apprendre de cela: mes inquiétudes ne devraient jamais m'empêcher de voir ce qu'il y a de beau dans la vie. Je dois continuer de profiter du moment présent. Je n'en serai que plus regénérée lorsque viendra le temps de m'attaquer à des dossiers plus sérieux!

"Comment pouvez-vous gérer au mieux les émotions
d'écrasement, de dévastation et de défaite qui accompagnent (...)
l'instant ou vous pigez réellement le pic pétrolier et ses
implications?  La première étape est d'accepter qu'il est naturel
de se sentir ainsi. En fait, cela est bien plus naturel que de ne rien
ressentir ou de disjoncter. C'est une réaction saine. (...) N'allez pas
trop vite: prenez le temps de simplement éprouver les effets de cette
prise de conscience. Même si la sensation est inconfortable, il s'y
trouve, comme dans les sombres chapitres initiaux de la plupart des
romans d'action, un appel à l'aventure. Vous en viendrez, a posteriori,
à voir ce moment comme une importante, mais positive, transition
dans votre vie." (Hopkins, 2010, p.89)



4 commentaires:

  1. Je te comprend tellement. J'avais plus aucune envis de lire, de voir un site qui parlait environnement, abattoir, la souffrance etc.. tous comme toi j'ai peur pour ma fille. une vraie angoisse.

    De voir les gens se soucier tellement peu de l'environnement mais seulement de leurs bonheur personnel. Je comprend tous simplement pas.

    Quand je sens la déprime venir j'évite d'aller lire ce genre de chose. Je me concentre à lire mon forum de lapin (j'en ai deux qui vivent en libertés ) ca aide :)

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  2. Merci beaucoup Mokajo pour ton commentaire, il me fait du bien. Je pense que tu fais la bonne chose en te concentrant sur des choses qui te font plaisir quand tu sens la déprime venir! Je devrais faire la même chose. Me créer une petite bulle protégée ou me réfugier de temps en temps, pour me remettre sur pied.

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  3. Dur de combattre la déprime ... je partage.
    J'adore tes pistes.
    Merci.

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  4. Je comprends absolument ta réaction!
    Je me sens aussi comme ca souvent mais il ne faut jamais baisser les bras :)

    une personne en influence une autre et une autre et bientôt on voit une différence :D

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