vendredi 19 avril 2013

Histoire et oubli des catastrophes "environnementales"

Des "défaillances techniques ont entraîné l'explosion d'une cuve contenant quarante-deux tonnes de MIC (isocyanate de méthyle) et l'émission d'un nuage gazeux qui "s'est déposé tel un linceul sur 65 km carrés très densément peuplés." Bilan: au moins 20 000 morts, auxquels s'ajoutent de 250 000 à 500 000 blessés."* C'était à Bhopal, en Inde, dans la nuit du 3 au 4 décembre 1984, dans une usine de la firme américaine Union Carbide produisant un insecticide chimique destiné à l'agriculture. Le lendemain, je naissais dans un hôpital entouré de neige, au Québec. Si j'avais eu moins de chance, je serais née là-bas. Ma vie, comme celle des gens autour de moi, aurait été une suite de problèmes médicaux liés à l'intoxication aux produits chimiques. Cécité, malformations, troubles du système respiratoire, cancers, maladies dégénératives. En fait, je ne serais probablement même pas née: de la vie, je n'aurais connu que le ventre de ma mère.

Cela fait presque 30 ans. Et voilà qu'une tragédie survient dans la ville de West, au Texas. Une usine d'engrais chimique explose, détruisant des maisons et tuant des personnes innocentes. Quelques dizaines, selon les estimations lues ce matin dans les quotidiens. Les médias en font la une des journaux. C'est bien. Il faut que nous en parlions. Mais pour les bonnes raisons. Pas pour vendre des torchons avec des photos sensationnalistes. Pas pour se dire: "la vie est tellement fragile, on ne sait jamais ce qui peut nous arriver." Non. Ces choses-là peuvent et doivent être évitées. Certains diront que cet événement nous forcera à réviser les lois ou les normes entourant les usines de produits chimiques.Peut-être, mais ce ne sera pas suffisant. Il faudrait revenir à la base: ces usines ne devraient même pas exister.

 Nous ne devrions utiliser ni pesticides, ni engrais chimiques en agriculture. Ces usines fonctionnent car nous étendons des saloperies sur nos champs. Et pourquoi? Pour produire plus de monocultures. Ces monocultures qui nuisent à la biodiversité, qui abolissent toute autonomie alimentaire pour les petits paysans et qui ne nous permettent pas de nourrir la planète, comme nous le faisaient pourtant croire les grosses compagnies. Ces monocultures qui enrichissent les riches et qui affament les pauvres.

Plus personne ne parle de Bhopal ici. Et bientôt plus personne ne parlera de West non plus. Jusqu'au prochain incident, on oubliera que ces engrais et ces produits chimiques sont mortels. On oubliera qu'ils sont partout, près de chez nous. Ce qui est arrivé là-bas pourrait arriver ici. J'ai grandi dans une petite ville de Montérégie nommée Saint-Lazare. En 2000, un incendie a dévasté l'usine de produits chimiques Regent Chemical, située tout près de chez moi, à Vaudreuil-Dorion. La ville de Saint-Lazare a dû évacuer plus de 70% de son territoire. Nous avons été chanceux: Environnement Québec a déterminé que la catastrophe n'avait pas eu d'impact environnemental. Et si ça avait été une usine de pesticides ou d'engrais chimiques? Le destin- non, la main de l'homme- m'aurait rattrapée.


*Marie-Monique Robin. (2011) Notre poison quotidien. La responsabilité de l'industrie chimique dans l'épidémie des maladies chroniques.Stanké, Montréal, 509 p.

1 commentaire:

  1. Tu as bien raison, ce genre d'èvènement devrait nous faire voir que notre modèle d'agriculture est néfaste...mais les gens vont encore dire que c'était un accident et qu'on ne me pas le choix d'utiliser ce genre de produit. Oui on a le choix!

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